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La négociation de l’accord « Biodiversity Beyond National Jurisdiction » par l’Union européenne

Entretien

Thomas Leclerc Emma Lelong

Alex Rose Ccwjhxuem7c Unsplash 600

La négociation de l’accord « Biodiversity Beyond National Jurisdiction » par l’Union européenne : une complémentarité avec les instruments normatifs européens rattachés au Green Deal concernant la protection des océans et de leur biodiversité marine.

Entretien avec Thomas Leclerc et Emma Lelong

Analyse recueillie par Matteo Bastucci, Marie Darraïdou et Jeanne Dietsch

L’étude des exigences de l’Union européenne en matière de protection des océans et de la biodiversité marine ainsi que des mesures adoptées par ses institutions sont complétées par les différents accords et traités internationaux en matière de droit de la mer, dont les principes sont intégrés dans le droit de l’Union. Cela est illustré par les principes du tout récent projet d’accord relatif à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale[1], communément appelé accord « BBNJ » (Biodiversity Beyond National Jurisdiction), adopté le 5 mars 2023. Cette adoption a été réalisée à la suite des 5 sessions de négociations qui se sont tenues à l’occasion de la conférence intergouvernementale des Nations unies sur le droit de la mer, la dernière session ayant eu lieu à New-York du 20 février au 3 mars 2023.

Monsieur Thomas Leclerc, maître de conférences en droit public à l’Université de Bretagne occidentale, enseignant-chercheur sur le droit des espaces et des activités internationales au Centre de droit et d’économie de la mer (UMR AMURE) a été interviewé le 5 avril 2023 concernant ces négociations et les positions qu’y défendait l’Union européenne. Monsieur Leclerc a été un des membres de la délégation de l’Université de Bretagne Occidentale, présent pour observer les négociations tenues lors de la cinquième session à New-York.

Ses réponses aux questions posées ont pu être postérieurement complétées par celles apportées lors d’un autre entretien avec Madame Emma Lelong, doctorante et juriste en droit du transport maritime, ainsi que salariée de l’association Surfrider Foundation Europe, dans laquelle elle y fait notamment du lobbying au sein des institutions européennes, qui a pu apporter un point de vue plus axé sur le Green Deal, ses objectifs et les mesures prises depuis sa mise en place.

Comment l’Union européenne est-elle parvenue à imposer ses ambitions et ses règles en matière de protection des océans relatives au Green deal dans le cadre de ces négociations ? Par ailleurs, dans quelle mesure le projet d’accord permettra-t-il la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de protection des océans ?

Thomas Leclerc : L’Union européenne a joué un rôle actif tout au long du cycle des négociations, au cours desquelles elle a cherché à avoir une position centrale et à faire entendre sa voix. Cela a été facilité par le fait que l’accord BBNJ (« Biodiversity Beyond National Jurisdiction ») se veut être le troisième accord d’application de la Convention de Montego Bay, (après celui de de 1994 sur le régime juridique des grands fonds marins et celui de 1995 sur le stock des poissons chevauchants et des poissons grands migrateurs). Pour l’UE c’est un nouvel accord mixte comme les accords précédents, donc celui de Montego Bay, c’est-à-dire qu’elle est partie à l’accord à côté des Etats membres. La difficulté et l’objectif pour l’UE est d’avoir une position commune au sein des négociations et de réussir à coordonner les points de vue au sein de ses Etats membres, mais également avec certains Etats tiers avec lesquels une coalition a été formée[2], afin d’inciter les Etats à conclure le traité BBNJ dès que possible et à s’engager sur les aspects les plus ambitieux. Par ailleurs, le principe des négociations internationales onusiennes met en jeu différents groupes au sein des Nations Unies représentant les positions communes des Etats qui les composent. En face de l’UE se trouve le groupe des 77 et de la Chine (représentants 134 Etats), le groupe des Etats des Caraïbes, celui des Etats d’Amérique latine et celui des Etats africains.

L’Union européenne voulait défendre ses positions en trouvant un accord et a dû accepter des compromis, face à une ligne assez dure défendue par le groupe des 77 et la Chine. Les lignes diplomatiques défendues par l’UE montrent qu’au cours des négociations, cette dernière n’avait pas d’ambitions appuyées. En effet, elle voulait que certains principes de bonne gouvernance et des principes environnementaux se retrouvent dans l‘accord, notamment les principes de précaution, d’approche intégrée et d’approche écosystémique, puisque ces principes sont également retrouvés dans le cadre du droit de l’Union et dans la politique commune des pêches. Cela est un succès, puisqu’on retrouve dans le futur article 7 de l’accord BBNJ ces principes devant guider la mise en application de l’accord.

L’Union européenne mettait l’accent sur les aires marines protégées et les études d’impact environnemental[3], en ce que le zonage maritime fait partie intégrante des politiques européennes ; ces dernières sont reliées à l’objectif de neutralité carbone à atteindre d’ici 2050 du Green deal. En effet, l’idée du zonage étant de protéger certains espaces maritimes, ce principe, retrouvé dans les hautes mers, permet de protéger une partie des océans comme puits de carbone, avec un impact direct sur le réchauffement climatique. Cela est assez commun pour l’UE, avec la directive-cadre de 2008 « Stratégie pour le milieu marin »[4], et la directive de 2014 sur la planification maritime. L’UE appuyait cet aspect des négociations sans forcément être extrêmement ambitieuse, car elle voulait que l’accord BBNJ puisse harmoniser ce qui existait jusque-là, dans le sens où il existe déjà un mécanisme de zonage maritime, mis en place par les organisations régionales de gestion des pêches (l’UE étant influente au sein d’un certain nombre d’entre elles), et par l’Organisation maritime internationale.

Emma Lelong : L’absence de volonté d’innovation peut s’expliquer par le fait que le seul espace maritime considéré comme de la Haute mer pour la mise en place potentielle de ces aires marines au sein de l’Union européenne est celui de l’Atlantique Nord. Cet espace pourrait devenir le foyer de conflits importants notamment sur la pêche. Ces nouvelles aires marines concernent en réalité plutôt les Etats d’Amérique du Sud dont le Chili et représentent des espaces isolés avec peu de navigation et peu de population littorale, ce qui rend la mise en place plus effective et plus simple à réaliser.

Thomas Leclerc : A la lecture de l’accord, on observe qu’un équilibre a été recherché, en ce que l’accord devait compléter le vide juridique, avec pour objectif d’harmoniser ce qui apparaissait comme fragmenté, les différents accords et organisations cherchant à réaliser une bonne gouvernance des océans. L’accord BBNJ se veut être un accord « innovant », apportant une certaine harmonisation, sans porter préjudice à ce qui lui préexiste et sans être porteur d’une ambition démesurée. Il traduit un équilibre délicat recherché par l’UE, qui voulait un accord, en se voulant leader dans le processus pouvant mener à l’adoption de ce dernier.

Il en est de même, concernant les études d’impact environnemental, retrouvées au sein du droit interne de l’Union et notamment dans la directive de 2008 : l’UE cherchait à ce qu’elles soient appliquées aux espaces au-delà de la juridiction nationale sans complètement bouleverser, ou sans que ce soit particulièrement innovant. Ces objectifs européens sont donc retrouvés au sein de l’accord BBNJ.

S’agissant des ressources génétiques marines, la position de l’UE était également ambivalente, car elle voulait préserver une certaine liberté de ses Etats membres dans l’accès et l’utilisation des ressources génétiques marines, et ne voulait pas que ces ressources soient qualifiées de « Patrimoine commun de l’humanité » conformément au régime juridique des grands fonds marins qui posent un principe de non-appropriation et un principe de gestion collective des ressources minérales qui s’y trouvent[5].

Pour que les Etats puissent explorer et d’abord exploiter les ressources minérales de la zone, ils doivent recevoir l’autorisation de l’Autorité internationale des Fonds Marins (l’AIFM), qui est une organisation internationale.

La question des dernières négociations était de savoir s’il fallait adopter un régime similaire aux grands fonds marins (la « Zone »), pour ces ressources génétiques marines, mais également s’il fallait qualifier les ressources génétiques marines de « patrimoine commun de l’humanité », comme les ressources minérales des grands fonds. Si elles sont qualifiées ainsi, il faut une gestion collective et un partage des bénéfices, ce qui constituait la revendication des Etats en développement, et notamment celui du G77.

L’UE était un peu frileuse et adopta une démarche qui ne va pas dans le sens d’une protection des environnements marins. En effet, elle ne souhaitait pas que les ressources génétiques marines soient qualifiées de patrimoine commun de l’humanité, car elles voulaient préserver la liberté d’accès et d’utilisation des ressources génétiques marines pour ses Etats membres. Toutefois, elle souhaitait prévoir un mécanisme permettant de partager les éventuels bénéfices liés à l’utilisation de ces ressources génétiques, constituant ainsi une voie médiane entre le régime de la haute mer et celui de la « Zone ». L’Union européenne a donc joué un jeu d’équilibre dans la recherche d’une position commune de ses Etats membres au travers de ces négociations concernant l’utilisation des ressources génétiques marines et la mise en place d’un tel mécanisme de partage des bénéfices tirés de l’exploitation de ces ressources, sur lequel elle a dû faire œuvre de compromis.

Emma Lelong : cet équilibre est retrouvé au sein de l’article 5 du projet d’accord, qui opère une articulation entre le principe de liberté voulu par les Etats membres, faisant l’objet de l’article 5 b) bis, et le principe de « patrimoine commun de l’humanité » qui est rappelé à l’article 5 b). Cette contradiction entre ces principes figurant au sein même du projet d’accord montre cette opposition dans le jeu des négociations entre Etats souverains.

Thomas Leclerc : Les ressources génétiques marines ne sont pas qualifiées de « patrimoine commun de l’humanité », mais ce principe est retrouvé dans l’article sur les principes guidant la mise en œuvre de l’accord. Par ailleurs, ce mécanisme de partage des bénéfices ne concerne pas seulement un partage des bénéfices non monétaires (le savoir et le transfert des technologies), mais également un mécanisme de partage monétaire, ce qui fait l’objet d’un compromis trouvé avec le G77 et la Chine, mais également avec les Etats en développement en général.

Beaucoup de choses seront laissées à la Conférence des Parties, organe qui devra être créé par l’accord, pour la mise en œuvre de ce mécanisme de partage des bénéfices.

Au niveau politique, un consensus a été trouvé le 4 mars 2023, mais l’accord ne sera officiellement adopté qu’au mois de juin prochain, puis s’ouvrira l’étape des signatures puis des ratifications[6]. L’accord étant mixte, l’Union doit être partie ainsi que chacun de ses Etats membres : le domaine environnemental est une compétence partagée entre l’Union et ses Etats membres, avec une obligation de coopération, tandis que le domaine de la protection des ressources biologiques de la mer constitue une compétence exclusive de l’Union européenne. Au vu de la technicité de l’articulation de ces compétences, la ratification de cet accord par l’ensemble des Etats membres et l’Union européenne elle-même prendra un certain temps.

L’Union tente de montrer l’exemple pour que cette adoption avance relativement vite. A cet égard, un membre de sa délégation à New-York a annoncé que cette dernière mettait sur la table un certain montant pour participer au processus de ratification et à la mise en œuvre de l’accord. Son action est nécessaire dans le but d’avoir un accord quasi universel, avec un nombre d’Etat parties proches de celui de la Convention de Montego bay, même si, à l’heure actuelle, cela reste une incertitude.

Pensez-vous que les instruments juridiques prévus dans le futur traité permettront de renforcer de manière effective la préservation de la biodiversité marine en haute mer ?

Thomas Leclerc : Avoir un accord juridiquement contraignant est une bonne nouvelle et une nouvelle étape : cela est nécessaire mais insuffisant. La prochaine grande étape sera de veiller à une mise en œuvre concrète de l’accord. Pour cela, il faudra que l’accord entre en vigueur, que les organes soient mis en place, et que ce qui a été prévu par l’accord puisse être mis en œuvre.

L’accord cherche à compléter le puzzle tout en harmonisant les pièces existantes via la constitution de l’accord et des organes qu’il va créer. Il faudra voir comment se positionnent les institutions existantes déjà, à savoir l’OMI, les organisations régionales de gestion de la pêche, l’Autorité internationale des fonds marins ; quelques signaux intéressants montrent que ces institutions pourraient travailler en bonne intelligence, un peu sous le chapeau de l’accord BBNJ, je pense que cela est assez positif.

Si l’accord entre en vigueur assez rapidement, cela enverra un signal intéressant pour essayer de défragmenter un peu l’ensemble, et ainsi les outils juridiques prévus par l’accord permettront de chapoter la mise en place des aires marines protégées. Par exemple, le fait de mettre en place des études d’impact environnemental, lorsque des activités concernent l’utilisation des ressources génétiques marines, assurer un véritable partage des bénéfices, tout cela sera assez prometteur, et permettra de renforcer de manière effective la préservation de la biodiversité marine.

Emma Lelong : Au niveau de l’Union européenne, la mise en œuvre sera soumise, une fois que l’Union ainsi que chacun des Etats membres aura ratifié l’accord, à de nombreuses contraintes internes[7]. Bien que la date d’entrée en vigueur de l’accord BBNJ soit incertaine, je suis plutôt optimiste sur le fait que l’accord sera par être mis en œuvre.

A ce propos, l’effectivité du droit européen est meilleure que celle du droit international. En effet, le non-respect des normes édictées par les institutions de l’UE peut être sanctionné par la Cour de justice de l’UE par le biais du recours en manquement, permettant l’effectivité de ce droit et des normes européennes adoptées, ainsi qu’un meilleur résultat en comparaison de l’échelle internationale. Par ailleurs, les standards et valeurs européens étant affirmés et garantis de manière bien plus contraignante qu’à l’échelle internationale[8], les principes affirmés par le traité feront l’objet d’un encadrement bien plus effectif au sein de l’Union européenne.

Thomas Leclerc : Ce traité est souvent appelé « traité sur la haute mer » ce qui est vrai mais insuffisant, car le champ d’application spatial de cet accord est la haute mer (colonne d’eau) ainsi que la « Zone » (grands fonds marins). On appelle cela souvent aussi un traité sur la protection de la biodiversité marine. C’est vrai mais encore insuffisant : cela concerne la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine. On a donc un accord qui prévoit une exploitation de ces ressources génétiques qui se veut durable et l’utilisation tout de même de la biodiversité marine.

Des critiques sont encore formulées à l’égard d’un tel accord, comme sur la notion d’aire marine protégée ; une préservation effective de la biodiversité dépend du niveau de protection qui sera réellement mis en place.

Hormis la mise en œuvre de l’accord, un autre des points essentiels à observer si ce dernier entre en vigueur, qui constitue un des enjeux juridiques majeurs de cet accord, est celui de l’articulation de cet accord avec ceux préexistants, notamment la Convention de Montego Bay de 1982, l’accord de 1994 sur le régime juridique de la Zone et l’accord de 1995 sur les stocks de poissons chevauchant et des poissons grands migrateurs. Il sera intéressant d’observer comment les organes de l’accord BBNJ vont travailler ou entrer en conflit avec les institutions préexistantes.

Cela risque-t-il de poser un problème si tous les Etats ne ratifient pas l’accord ?

Thomas Leclerc : Cette question se pose systématiquement, mais il ne faut pas oublier qu’il sera nécessaire de savoir qui est partie ou non à l’accord, certaines choses devant être gardées à l’esprit. D’une part, il est prévu que des Etats qui ne sont pas parties à la Convention de Montego Bay puissent être parties à l’accord BBNJ, ce qui peut apporter une dimension un peu différente de la convention de Montego Bay, bien que dans cette convention, un certain nombre d’Etats non parties respectent les dispositions qui ne sont que le reflet des règles coutumières en droit international public.

Il en est de même pour l’accord BBNJ : en effet, si l’accord est accepté par une grande majorité d’Etats, il aura un effet même sur les Etats non-parties en termes de réputation, car un Etat qui ne respecterait pas ce qui est mis en place par l’accord, ou qui irait exploiter des ressources génétiques marines sans respect des dispositions de l’accord, mettrait en jeu sa réputation sur la scène internationale, donc je pense que l’accord pourrait avoir un effet même au-delà de ces Etats parties.

Des Etats signeront certainement sans ratifier, certains effets juridiques sont retrouvés dans la signature ce qui peut être intéressant, mais il faut quand même être prudents, car un accord politique venant à peine d’être trouvé, beaucoup de choses sont forcément dites sur cet accord alors qu’il n’est pas encore entré en vigueur.

De son côté, l’UE, qui compte intégrer les principes de ce traité dans son droit interne, a adopté ses propres textes en matière de protection environnementale des océans. Les instruments prévus pourront-ils répondre de façon effective aux enjeux environnementaux alors qu’il s’agit encore d’instruments essentiellement économiques à l’image de l’initiative FuelUE Maritime, qui s’inscrit surtout dans une dynamique de marché intérieur plus que dans celle d’une politique de l’environnement ?

Emma Lelong : L’initiative FuelEU maritime vise à imposer aux armateurs et compagnies de transport maritime des quotas de carburants renouvelables. Cela n’est pas révolutionnaire mais apparait comme nécessaire dans la mesure où ce mode de transport des marchandises est capital pour le commerce international et régional. Il en est de même de la préservation de l’environnement, de la biodiversité et la réduction d’émissions de gaz à effets de serre. Le futur règlement[9] vise à intégrer cette nécessité de protection aux instruments de nature économique. Il sera toutefois nécessaire de donner des alternatives aux armateurs en matière de carburants renouvelables, dont le manque est décrié (notamment réduire les prix, avoir une meilleure rentabilité de l’hydrogène plutôt que du fioul…).

Il sera également nécessaire de voir comment l’industrie et les acteurs privés concernés réagiront une fois le règlement mis en œuvre, ce qui devrait se faire assez rapidement une fois qu’il sera adopté, en ce qu’il ne nécessite aucune transposition. Cette réaction sera intéressante car la régulation en matière de carburants renouvelables devra être assurée par des compagnies privées responsables de la mise en place des sanctions le cas échéant.

Quels ont été les différents domaines d’action de l’UE dans le domaine des océans ?

Emma Lelong : 2023 est une année importante et concerne la révision de cinq directives en lien avec le transport maritime, notamment sur les enquêtes en cas d’accident maritime[10], le mandat de l’agence européenne de sécurité maritime ou l’Etat du pavillon[11] ou du port[12] dans lequel se trouve le navire en cause.

En matière de protection de la biodiversité, la Proposition de règlement du 23 juin 2022 sur la restauration de la nature vise à réparer les dommages causés à la nature en Europe d’ici à 2050, par la restauration des écosystèmes endommagés par les activités humaines polluantes. Elle devrait être discutée cette année.

La deuxième réunion du Comité intergouvernemental de négociations, sous l’égide des Nations Unies, concernant un traité international contre les pollutions plastiques, aura lieu à Paris du 29 mai au 2 juin 2023. L’Union européenne est une des parties prenantes à la table des négociations et compte faire entendre ses exigences et ses standards en matière de lutte contre les pollutions plastiques. Il sera intéressant d’observer sa position, les associations telles que Surfrider essaieront d’influencer cela.

Il est à noter que l’année 2024 sera synonyme de ralentissement normatif, et donc de protection de l’environnement, car les élections des eurodéputés au Parlement européen auront lieu cette année-là. Cela entrainera le report de l’adoption de certains textes sur le mandat prochain.

Les ambitions se concentrent-elles sur la pollution et le carbone ou bien l’UE envisage-t-elle d’autres plans d’actions ?

Emma Lelong : Il est vrai que la politique environnementale a été très axée sur le carbone. Il faut rappeler que la neutralité carbone d’ici 2050 est un objectif affiché du Green deal, mais ce n’est pas l’unique objectif en vertu duquel les ONG interviennent[13]. Les transports ont constitué un cycle de protection maritime, et la fin de ce cycle permettra de mettre l’accent sur un autre niveau de protection de l’environnement.

D’autres domaines, qui font déjà l’objet d’une certaine protection, pourront faire l’objet d’une protection accrue, comme celui de la protection des espèces avec les directives Habitats[14] et Oiseaux[15], et la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » qui encadrent cela. L’Union essaie d’agir sur d’autres aspects concernant la biodiversité, tels que la pollution sous-marine perturbant les cétacés.

Son action peut certes être critiquée en ce qu’elle constitue une gradation des espèces en protégeant les espèces géographiquement proches (comme les baleines plutôt que les vers marins[16]), mais il faut rappeler toutefois qu’un certain nombre de ces protections sont abordées via une approche écosystémique, c’est-à-dire protégeant à la fois l’espace et la ressource en cause. Cela représente donc une base importante pour l’évolution de la protection à l’avenir.


[1] L’accord définitif devant être formellement adopté lors d’une réunion ultérieure de la Conférence intergouvernementale.

[2] La Coalition de haute ambition BBNJ (High Ambition Coalition on Biodiversity beyond National Jurisdiction) a été lancée par la France et la Commission européenne à l’occasion du One Ocean Summit, qui s’est tenu à Brest du 9 au 11 février 2022.

[3] L’accord BBNJ est constitué de quatre parties : la première partie porte sur les ressources génétiques marines et la question du partage des bénéfices liés à ces ressources, la deuxième et la troisième sur les outils de gestion par zones (aires marines protégées) et les études d’impact environnemental, et la quatrième partie sur les capacités et le transfert de technologies.

[4] Directive n° 2008/56/CE du 17/06/08 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.

[5] Avant l’accord BBNJ, la Convention de Montego Bay, adoptée en 1982 et entrée en vigueur en 1994, deux régimes juridiques distincts coexistent s’agissant de la haute mer (relatif à la colonne d’eau et la surface) et s’agissant des grands fonds marins (relatif à « la Zone »). Ces deux espaces maritimes se trouvent au-delà des juridictions nationales et sont soumis à deux régimes juridiques distincts, la colonne d’eau et la surface se trouvant régies par des principes de liberté d’accès, de navigation, de pêche, et de recherche scientifique.

[6] L’adoption définitive de l’accord nécessite un quorum de 60 ratifications conditionnant son entrée en vigueur.

[7] Notamment la coordination entre les Etats membres, l’applicabilité des normes européennes prises en la matière à l’intérieur de chacun des Etats membres, la France faisant partie des Etats particulièrement engagés en l’espèce.

[8] À l’image des sites Natura 2000 pour la valorisation écologique des patrimoines naturels des territoires.

[9] Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE.

[10] Directive n° 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant la directive 1999/35/CE du Conseil et la directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil.

[11] Directive n° 2009/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant le respect des obligations des États du pavillon.

[12] Directive n° 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au contrôle par l’État du port (refonte).

[13] En matière de perte de conteneurs, de pollution sonore sur terres mais également sous-marines, des émissions atmosphériques autres que les gaz à effet de serre.

[14] Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

[15] Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

[16] QUEFFELEC, Betty, « La protection de la biodiversité marine au prisme d’un ver marin : le polychète », In ROUX-DEMARE, François-Xavier (dir.), La protection animale ou l’approche catégorielle, LGDJ, 2022, p. 85-98.