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Paquet « fit for 55 » : ce que l’adoption finale par les colégislateurs européens de cinq textes visant à réformer le marché carbone de l’Union européenne va changer pour le secteur de l’aviation

Décryptage

Anaëlle Garreau Eva Robert

réformer le marché carbone de l’Union européenne

Relu par Emmanuelle Nef, doctorante en droit public, Université Paris-Saclay

Dans l’objectif de réformer le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) dans les principaux secteurs de l’économie, dont l’aviation, le Parlement européen a formellement approuvé, le 18 avril dernier, cinq propositions législatives sur la tarification du carbone.

Ces cinq textes de compromis proviennent d’accords politiques provisoires antérieurs correspondant aux cinq propositions législatives associées qui avaient été conclues préalablement fin 2022, par des représentants du Parlement européen et du Conseil de l’UE.

Le 25 avril 2023, conformément à la procédure législative ordinaire, le Conseil de l’UE, via les Ministres chargés de l’Environnement des États membres a, à son tour, adopté les cinq textes de compromis. Ces derniers seront prochainement publiés au JOUE,  avant d’entrer en vigueur.

Réformer le SEQE a pour objectif de le renforcer et de veiller à ce que les citoyens, les entreprises les plus vulnérables et les secteurs exposés à un risque de fuite de carbone (soit une délocalisation pour échapper à des normes contraignantes), puissent bénéficier d’un appui dans le cadre de leur transition climatique. Ces cinq actes législatifs font partie du paquet « Fit for 55 »“(Ajustement à l’objectif 55)”, qui vise à mettre les politiques de l’UE en conformité avec les exigences du Green Deal européen.

Le SEQE : qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit du marché européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, mis en place par la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003. Le SEQE est aujourd’hui l’instrument principal permettant à l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, car il permet de couvrir environ 40% de ses émissions totales de CO2 .

Ce système s’applique alors aux installations de production d’électricité, du secteur de l’industrie lourde à forte intensité énergétique et à l’aviation (notamment aux vols intra-UE).

Concernant son fonctionnement, il repose sur un principe de plafonnement des émissions de gaz à effet de serre, plafonnement qui décroît progressivement afin de faire baisser le niveau global des émissions. Tout en respectant ce plafond, les installations fixes et les exploitants d’aéronefs concernés peuvent bénéficier de quotas attribués gratuitement ou acheter aux enchères des quotas d’émissions sur le marché, afin de couvrir leurs émissions de CO2. S’ils disposent de quotas qu’ils n’utilisent pas, alors ils peuvent les vendre. A l’inverse, ils peuvent acheter les quotas manquants. Partant, chaque année, ils se doivent de surveiller et de déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre afin de restituer des quotas équivalents à leurs émissions déclarées.

Ainsi, par le biais d’actes législatifs européens, des règles harmonisées, en matière de calcul des allocations de quotas à titre gratuit, de mise aux enchères et de vérification des émissions, sont établies à l’égard de tous les États membres.

L’objectif du SEQE est donc de limiter le nombre de quotas disponibles et d’inciter progressivement les installations visées à réduire leurs émissions.

Quels sont ces cinq textes de compromis ?

Les propositions législatives avaient été présentées initialement par la Commission européenne le 14 juillet 2021 dans le cadre de son paquet politique et législatif « Fit for 55 », avant de faire l’objet de textes de compromis entre les colégislateurs, respectivement les 29 novembre 2022, 13 décembre 2022 et 18 décembre 2022.

Les cinq textes finalement approuvés le 25 avril dernier concernent :

  • La révision de la directive Quotas (2003/87/CE), afin de renforcer l’ambition et l’efficacité du dispositif et d’étendre son champ d’application.
  • La mise en place d’un Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism
  • La modification de la directive 2003/87/CE révisant les règles du SEQE s’appliquant à l’aviation.
  • La modification du règlement (UE) 2015/757 établissant un système de surveillance, de déclaration et de vérification des émissions de CO2 du transport maritime, afin de prévoir l’inclusion des activités de transport maritime dans le SEQE de l’UE.
  • La mise en place du Fonds social pour le climat, dont l’objectif est d’accompagner les territoires les plus touchés par la transition/reconversion climatique et d’améliorer l’inclusion des travailleurs et demandeurs d’emploi dans cette démarche.

Sur la révision des règles du SEQE s’appliquant au secteur de l’aviation :

Le Parlement européen a approuvé la révision des règles du SEQE relatives au secteur de l’aviation. Ces règles révisées ont été réunies dans une proposition de directive, qui a fait l’objet d’un accord provisoire le 18 décembre 2022 entre les représentants dudit Parlement et du Conseil.

Ainsi, sur 2024-2025, il est prévu que les quotas alloués gratuitement aux compagnies aériennes pour les vols intra-UE soient supprimés par étapes d’ici le 1er janvier 2026, selon un calendrier bien établi : 25 % en 2024, 50 % en 2025 et 100 % à partir de 2026.  En parallèle, la mise aux enchères de quotas devrait être revue à la hausse.

Il s’agit de faire en sorte que l’aviation contribue à l’objectif de réduction 2030, en accord avec les règles du mécanisme mondial CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation), mis en place par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Donc, conjointement à la révision des règles pour l’aviation dans le cadre du SEQE, la future directive développera le système CORSIA pour les vols extra-européens. Ce dernier s’appliquera alors aux vols qui ne relèvent pas du SEQE mais qui décollent ou atterrissent dans des pays qui appliquent le système CORSIA.

Pour en revenir à l’exigence du Green Deal européen de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2030, l’utilisation de carburants durables pour l’aviation est fortement encouragée afin d’y parvenir.

La prise en compte des carburants d’aviation durables admissibles au titre de l’initiative ReFuelEU

Le Conseil et le Parlement européen ont co-décidé d’économiser 20 millions de quotas gratuits, dans l’optique d’encourager le recours à des carburants représentant, à court terme, une voie prometteuse pour la décarbonation de l’aviation.

En effet, ils sont parvenus à la mesure selon laquelle tous les carburants admissibles au titre de l’initiative ReFuelEU, à l’exception des carburants dérivés de combustibles fossiles, pourront bénéficier des quotas pour les carburants durables d’aviation (CDA). Il est prévu que ce mécanisme restera en place jusqu’en 2030.

Ainsi, les petits aéroports, les petites îles et les régions ultrapériphériques pourront couvrir l’écart de prix entre le kérosène et les carburants admissibles à hauteur de 100 % des quotas de CDA, afin de garantir que les carburants admissibles soient disponibles dans ces lieux où il faut composer avec des contraintes d’approvisionnement particulières.

Concernant les autres aéroports, la couverture de l’écart de prix sera calculée en fonction du type de carburant : 95 % pour les carburants renouvelables d’origine non biologique, 70 % pour les biocarburants avancés et 50 % pour les autres carburants admissibles. L’accord tient également compte des particularités géographiques et permet alors des dérogations limitées pour les régions ultrapériphériques.