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La proposition de directive sur les énergies renouvelables (RED 3) : remarques sur les « garanties d’origine »

Décryptage

QuiEstVert

Green Deal - Traçabilité énergie renouvelable

Par QuiEstVert
Association professionnelle de promotion de l’électricité verte

La Commission européenne, lors de la présentation de son package « Fit for 55 » qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030, a dévoilé une nouvelle version de la directive « énergies renouvelables » avec des évolutions majeures concernant les garanties d’origine.

Contexte

La Commission européenne a proposé en juillet 2021 une révision de la directive « énergies renouvelables » (« RED ») dans le cadre du Pacte Vert. L’objectif affiché est de consolider les blocs déjà établis par les directives de 2009 (RED 1) et de 2018 (RED 2) afin d’assurer que tous les potentiels pour le développement des énergies renouvelables soient exploités de façon optimale.

A peine la France a-t-elle transposé en 2021 la RED 2 dans le Code de l’énergie, qu’un nouvel encadrement juridique est proposé, dont l’impact sur la situation des garanties d’origine (GO) dans l’ensemble des États membres mérite ici quelques brèves réflexions.

L’électricité physique ne pouvant faire l’objet d’échanges, deux conventions ont été mises en place afin de créer des marchés permettant de valoriser certains aspects des flux physiques d’électricité. La première est la « responsabilité d’équilibre », qui valorise et quand l’électricité sera disponible sur le réseau. La seconde est la « garantie d’origine », qui valorise comment l’électricité est produite. Additionnées, ces deux conventions constituent la rémunération des producteurs d’électricité. La garantie d’origine est l’unique outil légal de traçabilité de l’électricité dans l’Union européenne. Son fonctionnement repose sur l’équilibre entre production et consommation. Pour 1 MWh d’électricité d’origine renouvelable injecté sur le réseau électrique, 1 garantie d’origine peut être émise. La garantie d’origine est la carte d’identité d’un MWh : elle contient, parmi d’autres informations, la technologie de production de ce MWh, l’emplacement de la centrale, sa date de construction, etc. Cette GO une fois annulée par un consommateur prouve contractuellement que le MWh consommé est bien d’origine renouvelable.

Afin de respecter les engagements de réduction des gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 du Green Deal, nous estimons que la directive devrait permettre d’émettre des GO même si les installations bénéficient de soutien financier afin de stimuler la demande de GO, notamment via des Power Purchase Agreements ; mais la directive devrait également soutenir le développement de la traçabilité intégrale dans tous les Etats membres de l’UE.

Des Garanties d’Origine pour tous les producteurs d’électricité d’origine renouvelable pour faciliter l’accès aux Power Purchase Agreements

Le Power Purchase Agreement (PPA) est un contrat d’achat d’électricité qu’une entreprise signe directement avec un producteur. Les deux signataires se mettent d’accord pour l’achat et la production d’une certaine quantité d’énergie électrique, et ce à un prix par MWh défini tout au long de la durée du contrat.

Plus concrètement, un PPA est un contrat liant un producteur et un consommateur qui concerne : (i) de l’électricité au sens commercial du terme, telle que définie pour participer au marché en tant que responsable d’équilibre ; (ii) des garanties d’origine permettant de tracer légalement l’électricité entre le producteur et le consommateur.

La Commission européenne propose dans le cadre de la RED 3 d’amender l’article 19 de la RED 2 afin de permettre à tout exploitant d’électricité d’émettre des garanties d’origine, même s’il bénéficie de soutien public.

La proposition de la Commission est ainsi rédigée : «Afin d’établir une base de l’Union cohérente pour l’utilisation des garanties d’origine et de donner accès à des éléments de preuve appropriés aux personnes qui concluent des accords d’achat d’électricité renouvelable, tous les producteurs d’énergie renouvelable devraient pouvoir bénéficier d’une garantie d’origine, sans préjudice de l’obligation des États membres de tenir compte de la valeur marchande des garanties d’origine si les producteurs d’énergie bénéficient d’un soutien financier »(§13).

Aujourd’hui, les entreprises qui souhaitent s’approvisionner en électricité d’origine renouvelable auprès d’un producteur bénéficiant de soutien financier, ne le peuvent pas, soit parce que le producteur ne peut pas émettre de GO, soit parce que l’État membre se les approprie pour les revendre via des enchères (cas de la France).

La Commission propose d’amender le paragraphe 8 de l’article 15 de la RED 2 pour y spécifier que « toute garantie d’origine associée puisse être transférée à l’acheteur de l’énergie renouvelable dans le cadre de l’accord d’achat d’électricité renouvelable ».

Les États membres qui n’émettent pas les GO des producteurs subventionnés ou qui gardent les GO pour les mettre aux enchères, vont ainsi devoir réfléchir à la façon dont ils vont appliquer cette exigence.

La traçabilité intégrale (« full disclosure ») pour une plus grande transparence

La Commission européenne propose de modifier la RED 2 en précisant que « Les États membres peuvent prévoir que des garanties d’origine soient émises pour des énergies produites à partir de sources non renouvelables » (article 19 § 8).

Cette proposition ouvre la possibilité d’implémenter les différents types de traçabilité intégrale (« full disclosure ») dans tous les Etats membres. Ainsi, des garanties d’origine pourraient être émises pour tous les types de technologies et non plus uniquement pour les sources renouvelables. A savoir qu’en France, la récente transposition de la RED 2 dans le Code de l’énergie prévoit déjà la possibilité d’émettre des garanties d’origine pour tous les types d’énergie primaire utilisés pour produire de l’électricité (articles L311-20 et L311-25 du Code de l’énergie).

Les différents types de « traçabilité intégrale » sont les suivants :

  • La traçabilité intégrale à la production : chaque MWh produit, peu importe l’énergie primaire utilisée peut être associé à une garantie d’origine.
  • La traçabilité intégrale à la consommation : chaque MWh consommé doit être associé à une garantie d’origine.

La traçabilité intégrale à la production implique qu’un MWh, peu importe le type d’énergie avec lequel il a été produit, peut être tracé avec une garantie d’origine si le producteur décide de l’émettre. Dans ce cas, on pourrait voir apparaitre des GO nucléaire et des GO charbon, en plus des GO renouvelables qui existent déjà.

La traçabilité intégrale à la consommation implique que chaque consommateur doit obligatoirement choisir l’origine de l’électricité qu’il consomme. Ainsi chaque MWh consommé doit être associé à une GO. Cela veut aussi dire que le mix résiduel n’existe plus.

La traçabilité intégrale à la consommation encourage la demande d’électricité d’origine renouvelable car les consommateurs doivent obligatoirement choisir l’origine de l’électricité. Correctement informés, ces derniers s’orientent majoritairement vers les énergies les moins polluantes.

Dans les Etats membres qui expérimentent depuis quelques années déjà ce mécanisme de traçabilité intégrale à la consommation, comme l’Autriche ou les Pays-Bas, le taux de consommation d’électricité d’origine renouvelable est désormais respectivement de 84% et 56% (2020).

La traçabilité intégrale à la production est la solution retenue par la France (articles L311-20 et L311-25 du Code de l’énergie). A noter que le décret d’application de l’ordonnance du 3 mars 2021 n° 2021-236 transposée dans la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 qui contient la traçabilité intégrale est encore en attente. Dans le cadre de la traçabilité intégrale à la production, il se pourrait qu’EDF décide de s’attribuer exclusivement les GO nucléaires pour tracer l’électricité qu’elle fournit à ses clients, de la même façon qu’elle le fait aujourd’hui avec les déclarations de producteurs. Dans ce cas-là, toute l’électricité d’origine nucléaire tracée par EDF sortirait du mix résiduel. Ainsi le bilan carbone du mix résiduel français s’alourdirait proportionnellement et deviendrait un réel facteur de motivation pour les entreprises et collectivités à s’engager dans une démarche de consommation d’électricité d’origine renouvelable.

La mise en place de mécanismes de traçabilité intégrale peut être un outil pour répondre aux objectifs climatiques de l’UE. La RED 3 pourrait imposer aux Etats membres de mettre en place la traçabilité intégrale à la production, et optionnellement la traçabilité intégrale à la consommation, plutôt que de se limiter à l’éventuelle possibilité d’implémenter la traçabilité intégrale à la production sans mentionner la traçabilité intégrale à la consommation.

Conclusion

Les propositions de la Commission européenne visent à renforcer l’application et la viabilité du système des garanties d’origine, soit à travers les PPAs, soit en encourageant leur utilisation via la traçabilité intégrale. Ces propositions sont en phase avec le renforcement des objectifs de réduction des émissions de CO2 d’ici 2030 mais pourraient être bien plus ambitieuses afin de soutenir la demande en garanties d’origine et donc d’assurer l’atteinte de ces objectifs.