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L’agriculture face aux ambitions climatiques du Green deal

Cassandra Tutin Joanna Farrugia Pajot Albane

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Cassandra Tutin, Joanna Farrugia et Albane Pajot, étudiantes en droit européen, ont souhaité interroger le lien entre agriculture et Green deal européen. L’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, alors que le programme dédié cherche à concilier productivité agricole et durabilité environnementale pour assurer une autonomie européenne, rencontre des défis économiques, sociaux et techniques.

Pour écouter l’épisode : https://radio.amicus-curiae.net/podcast/green-deal-lagriculture/ 

Le principal pilier réside dans la stratégie « Farm to fork » qui impose des objectifs concrets, tels que la réduction de 50 % des pesticides et antibiotiques en élevage, la baisse de 20 % des engrais chimiques, et le passage à 25 % de terres cultivées en bio d’ici 2030. La réalisation de ces objectifs passe nécessairement par la transformation des exploitations agricoles : à titre d’exemple, seuls 9,1 % des terres étaient bio en 2020. L’enjeu est de repenser la consommation et la production à son origine, en préservant les sols pour restaurer la biodiversité et garantir une alimentation saine, et ce tout en maintenant la compétitivité des produits européens face aux importations, qui sont soumises à des normes moins contraignantes et encouragées par les politiques de l’OMC.  

Une solution potentielle pour concilier ces éléments est la transition agroécologique (dont le terme provient de la contraction en agriculture et écologie), qui a pour but d’encourager des pratiques qui réduisent les émissions de gaz à effets de serre en valorisant la biodiversité (agroforesterie, rotation des cultures, etc) et en encourageant la régénération des sols (compostage, cultures de couverture, agriculture de précision, etc). Pour accompagner cette transition, la réforme de la PAC pour 2023-2027 prévoit des financements et subventions pour soutenir les agriculteurs et les encourager à se tourner vers des pratiques plus durables, notamment avec les éco-régimes et le Fonds développement rural.

Cependant, les ambitions climatiques du Green deal se heurtent à de nombreux défis, à commencer par des difficultés de taille pour les agriculteurs. Ces derniers font en effet face à des coûts élevés pour mettre en œuvre ces nouvelles pratiques agroécologiques, ce qui peut les dissuader d’effectuer cette transition, en plus de risquer une potentielle baisse de leurs rendements et une perte de compétitivité face aux importations non régulées, ce qui se répercute sur leurs salaires. De plus, les démarches administratives considérées comme fastidieuses et la nécessité de se former aux nouvelles pratiques engendrent des résistances d’une part du monde agricole.

Les consommateurs sont également affectés par cette transition : malgré l’objectif de leur garantir une alimentation saine et une consommation durable, ces derniers connaissent en effet une baisse de la production européenne qui entraîne alors une hausse des importations de produits moins respectueux des normes sanitaires et environnementales (avec des pesticides interdits en Europe mais utilisés dans d’autres Etats par exemple), aggravant par ailleurs l’empreinte écologique de l’acheteur. La mise en œuvre des politiques agricoles du Green deal influence aussi le prix des denrées alimentaires, avec une augmentation générale particulièrement problématique alors que 17 % des européens vivent sous le seuil de pauvreté, ce qui soulève la question de l’équité des politiques agroécologiques.

Ce paradoxe a été pointé du doigt par des activistes écologistes, qui ont réclamé des mesures plus ambitieuses pour réduire l’impact environnemental agricole. A l’inverse, le monde agricole s’est lui mobilisé pour dénoncer des restrictions trop sévères dans le cadre du Green deal. Face à ces tensions et revendications opposées, la Commission européenne a décidé en 2024 d’assouplir certains objectifs, notamment ceux liés à la réduction des pesticides et à la mise en jachère des terre. Malgré cette marche arrière, des signaux positifs émergent : le dernier rapport de la Commission montre que le secteur agricole commence à s’adapter aux problématiques environnementales, par exemple avec une hausse dans la production de légumineuses et de volaille pour répondre à la demande de protéines alternatives.

Ainsi, si le Green Deal européen propose une vision ambitieuse pour une agriculture plus durable et résiliente, sa réussite dépendra d’un équilibre entre transition écologique, souveraineté alimentaire et soutien économique aux agriculteurs. L’adhésion des producteurs comme des consommateurs reste essentielle pour concrétiser cette transformation à long terme.

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