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Brise de changement sur le paysage énergétique européen : la révision nécessaire de la directive sur les énergies renouvelables

Article

Mathilde Lacaze-Masmonteil

Hydrogene eolienne et panneaux solaires

Par Mathilde Lacaze-Masmonteil

Avocate en droit de l’environnement – Vigo Avocats

Dans un contexte de renforcement de la souveraineté et de l’efficacité énergétiques sur le territoire de l’Union européenne, l’accélération du déploiement des énergies d’origine renouvelable s’impose comme une nécessité.

La révision de la directive sur les énergies renouvelables (Renewable Energy Directive, « RED »), intervenue le 18 octobre 2023 1, est un pilier incontournable du paquet Fit for 55 de la Commission européenne. Cette directive vient amender plusieurs textes : la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

Ce texte s’ancre dans la continuité du plan REPowerEU du 18 mai 2022, visant à éliminer toute dépendance aux combustibles fossiles russes et dont l’un des piliers est l’investissement dans les énergies renouvelables.

Cette nouvelle directive vient par ailleurs « cristalliser » le règlement (UE) 2022/2577 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables du 22 décembre 2022, mesure prise sur la base de l’article 122 du TFUE 2, qui a nécessité une réaction d’urgence face à la dégradation de la situation énergétique du fait du conflit russo-ukrainien. Ce règlement était applicable pendant 18 mois à compter de son entrée en vigueur 3.

Alors que la France reste encore loin de l’objectif que fixait la première directive (les énergies renouvelables représentaient 20,7% de la consommation finale brute d’énergie en 2022 4), les législateurs européens ont donné un coup d’accélérateur au déploiement des énergies renouvelables sur le territoire de l’Union, afin d’atteindre la réduction des émissions nettes de GES d’au moins 55% d’ici à 2030.

Avant tout exposé, il sera au préalable rappelé que la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables avait anticipé la refonte du texte européen, de sorte que la plupart des éléments ci-après exposés figurent d’ores et déjà, du moins dans leur principe, dans le droit positif français.

I. Un rehaussement des objectifs relatifs à la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale

Une première réforme notoire de la directive consiste à renforcer les objectifs devant être atteints par les États membres, que ce soit en termes global ou sectoriel, concernant la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique final.

Un nouvel objectif global

Tandis que la directive précédente fixait comme objectif d’atteindre 32% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale 5, la nouvelle directive vient augmenter de 10 points cette ambition, imposant aux États un engagement supplémentaire. Désormais, la part d’énergies renouvelables dans le système énergétique de l’Union européenne est fixé à 42,5%. La directive prévoit qu’au-delà de ce niveau obligatoire, les États devront faire l’effort de parvenir à 45, mais ces 2,5% resteront indicatifs. Cet objectif final est inférieur à celui prévu par le Parlement européen dans sa position du 14 septembre 2022, les eurodéputés s’étant accordé en faveur d’un objectif contraignant de 45%. Ce chiffre est le fruit de compromis, les États ayant, eux, plébiscité une vision à la baisse.

Des objectifs sectoriels

La directive décline également des objectifs par secteur, ciblant les plus polluants. D’abord, concernant le transport, les États pourront choisir alternativement une part de 29% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale du secteur ou une réduction de l’intensité d’émission de gaz à effet de serre d’au moins 14,5%.

Concernant l’usage des combustibles renouvelables, la directive fixe un sous-objectif de 5,5% pour la part de biocarburants et de renouvelables d’origine non-biologique dans la consommation. Une distinction doit ainsi être précisée. Les carburants renouvelables d’origine non-biologique font principalement référence à l’hydrogène « vert » et au carburant de synthèse, par opposition aux carburants avancés et au biogaz, qui sont produits à partir des matières premières énumérées à l’annexe IX de la directive 2008/2001. Parmi ces matières comptent par exemple le fumier et boues d’épuration, les effluents d’huileries de palme ou encore la fraction de la biomasse correspondant aux déchets et résidus provenant de la sylviculture et de la filière bois.

La directive encourage les Etats-membres à promouvoir et renforcer le développement des deux sortes de carburants. Ainsi, la part de carburants renouvelables d’origine non biologique doit être d’au moins 1 point de pourcentage en 2030.

Pour encourager le changement de carburant dans le transport maritime, les États membres disposant de ports maritimes devraient s’efforcer de faire en sorte qu’à partir de 2030, la part des carburants renouvelables d’origine non biologique dans la quantité totale d’énergie fournie au secteur du transport maritime soit d’au moins 1,2 %.

L’article 22 bis de la directive prévoit que les Etats membres doivent faire en sorte que le secteur de l’industrie augmente sa part d’énergies renouvelables d’au moins 1,6 point par an. La décarbonation de ce secteur est un enjeu de taille majeure. La question de l’hydrogène est également cruciale, puisque la directive impose que l’hydrogène utilisé par ce secteur devra être renouvelable à 42 % en 2030 et à 60 % à 2035. Il conviendra de rappeler qu’à l’heure actuelle, quasiment 96% de l’hydrogène produit l’est par voie de vaporeformage à partir de combustible fossile. Parmi les procédés les plus vertueux sur le plan environnemental figure l’électrolyse 6. Ce procédé est néanmoins particulièrement gourmand en électricité. Afin de satisfaire la réalité des capacités de production d’électricité d’origine décarbonée de la France (du fait de son parc nucléaire), la directive a prévu un article 22 ter qui dispose que ces objectifs pourront être réduits de 20 % si l’État membre atteint son objectif national sur les énergies renouvelables, et si la part d’hydrogène fossile consommée ne dépasse pas 23 % en 2030 et 20 % en 2035.

Par ailleurs, concernant le secteur du bâtiment, la directive crée en son article 15 bis un objectif d’intégration de l’énergie renouvelable dans le secteur d’au moins 49%. A ce titre, la directive modifie la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments. Dès que nécessaire et possible sur les plans techniques et économiques, les États membres doivent veiller à ce que les nouveaux bâtiments soient prêts pour l’énergie solaire et pour accueillir en toiture de telles installations.

Pour parvenir à cet objectif, la directive facilite les accords d’achat (power purchase agreements) d’électricité renouvelable 7, et entend supprimer notamment certains obstacles administratifs et règlementaires 8. Les Etats membres doivent créer des cadres afin d’encourager le recours à ces accords, et le stimuler notamment par des aides 9.

II. L’instauration d’une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (« RIIPM »)

Dans le contexte de développement de projets, l’article 16 de la directive dite « Habitats » 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 crée un cadre juridique pour les espèces et habitats protégés, et prévoit une dérogation au principe d’interdiction de destruction des espèces et habitats protégés 10.

  • Il est ainsi possible de déroger aux dispositions prises pour la protection des espèces susmentionnées à condition :
  • Qu’il n’existe pas de “solution alternative satisfaisante”
  • Que cela ne crée pas de nuisance pour le “maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle
  • Que cette dérogation soit justifiée par l’un des cinq motifs listés, parmi lesquels figure en c) “l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement

En matière d’énergies renouvelables, le recours à la raison impérative d’intérêt majeur suppose une mise en balance entre approvisionnement énergétique et protection de la biodiversité, en conférant une certaine sécurité juridique pour les porteurs de projet.

Les contours de cette notion demeurent flous, en l’absence de définition légale de la présomption. Pour tenter d’y voir plus clair, une analyse de la jurisprudence française s’impose.
En droit européen tout comme en droit français, le législateur n’a jamais pris le soin de définir ce que recouvrait la notion de RIIPM, et laisse le soin à la jurisprudence d’en définir les contours. Le contentieux éolien a permis au juge administratif, s’exprimant au cas par cas sur les projets litigieux qui lui sont soumis, d’en affiner les contours.

C’est ainsi que dans un arrêt du 15 avril 2021 (n°432158), le Conseil d’Etat a refusé de retenir la RIIPM pour un projet de centrale hydroélectrique, aux motifs adoptés « qu’il n’était pas établi que ce projet de centrale hydroélectrique serait de nature à modifier sensiblement en faveur des énergies renouvelables l’équilibre entre les différentes sources d’énergie pour la région Occitanie et pour le territoire national et que le projet ne pouvait être regardé comme contribuant à la réalisation des engagements de l’Etat dans le développement des énergies renouvelables. »

En l’espèce, c’est le caractère modeste du projet qui justifie ce refus. Bien que s’inscrivant dans une logique de déploiement des énergies de source renouvelable sur le territoire français, ce projet ne présente pas un intérêt suffisant à l’aune des autres critères de l’article 411-2 du code de l’environnement (qui transpose la directive Habitats).

Dans un autre arrêt rendu le 15 avril 2021 (n° 430500), le Conseil d’Etat a adopté une vision opposée en retenant la RIIPM. Selon le Conseil d’Etat : « Il résulte de ces dispositions qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. »
Le juge administratif offre ici, par la même occasion, un critère permettant d’apprécier ce que recouvre cette RIIM, à savoir que le projet doit répondre à des intérêts économiques et sociaux de certaine importance. En l’espèce, il s’agissait d’un parc éolien « composé de seize ou dix-sept éoliennes d’une puissance totale de plus de 51 mégawatts permettant l’approvisionnement en électricité de plus de 50 000 personnes ». La taille du projet et les enjeux de la production en termes d’approvisionnement et de desserte locale justifient donc une telle qualification.

C’est également ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat du 19 juillet 2022, société Eoliennes en Mer îles d’Yeu et de Noirmoutier. En l’espèce, le parc éolien litigieux était composé de soixante-deux aérogénérateurs d’une puissance totale de plus de 496 mégawatts permettant la couverture de 8 % de la consommation électrique de la région Pays de la Loire. Les juges ont considéré qu’au regard de ces éléments, le projet contribuait de manière déterminante à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de production d’énergie renouvelable et de l’objectif du programme Vendée Energie.

La RIIPM peut également être retenue s’agissant de progrès en matière d’énergies renouvelables. C’est ainsi ce qu’a pu retenir la CAA de Nantes dans un arrêt du 5 avril 2022 (n°19NT02389) au sujet d’un projet d’éoliennes flottantes. L’ambition du projet en cause est d’évaluer la technologie de l’éolien flottant, et s’ancre au demeurant dans une perspective de mise en œuvre des politiques liées à la réduction des émissions de GES et de lutte contre le réchauffement climatique.

En matière d’énergie renouvelable, le critère afférant à la raison d’intérêt impératif majeur renvoie aux objectifs de production des projets litigieux, en articulant avec les autres critères posés par l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Autrement dit, le projet doit s’inscrire dans une logique de rentabilité de production, afin que les impacts sur le paysage et l’environnement soient justifiés.

La présomption de raison impérative d’intérêt majeur pour ces projets vise à remédier à ces incertitudes, sécuriser les exploitations d’énergie renouvelable et favoriser leur déploiement à l’aune des objectifs climatiques.

La loi pour l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, adoptée le 7 février 2023, pose une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour les mêmes catégories de projets, en son article 19. Le texte renvoie à un décret en Conseil d’Etat pour fixer les conditions de la présomption 11.

Le Conseil constitutionnel a validé cet article 12 en estimant d’une part, que les dispositions du nouvel article L. 211-2-1 du code de l’énergie (déclinant la loi dans ledit code) visent à favoriser la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie, et que ce faisant, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

Cette reconnaissance de RIIPM vise principalement à remédier à certaines problématiques auxquelles étaient exposés les porteurs de projets d’énergie renouvelable. En effet, aux termes du Rapport n° 82 de M. Didier MANDELLI 13, le juge étudie en premier lieu cette condition de RIIPM et l’enjeu du projet indépendamment des effets sur l’environnement.
En premier lieu, cette présomption vise à apporter une sécurité juridique pour les pétitionnaires, et à prévenir les contentieux. Ces derniers n’ont désormais pas à démontrer que leur projet répond bien d’une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui allège tant la charge de leur dossier que la charge probatoire. Cette reconnaissance permet également de prévenir les contentieux, d’homogénéiser les projets éoliens, et d’éviter une distorsion dans la catégorisation des projets à la lumière de l’intérêt majeur.

Afin de bénéficier de la reconnaissance de la RIIPM, les conditions techniques auxquelles devront répondre les projets d’énergies renouvelables concernent leur puissance et le type de source renouvelable. Elles tiendront compte de la programmation pluriannuelle de l’énergie, pour définir des caractéristiques techniques adaptées aux objectifs poursuivis. En effet, les services instructeurs devront également porter une attention particulière à la taille du projet au regard de l’accomplissement des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, de sorte que les impacts environnementaux (mais également paysagers) ne soient pas disproportionnés au regard des capacités de production du projet. C’est également ce qu’avait rappelé le Conseil d’Etat dans son avis de septembre 2022 14.

III. La création de zones favorables aux énergies renouvelables

Afin d’encourager et d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, les Etats doivent immanquablement identifier, sur leur territoire, des zones qui par leurs caractéristiques, sont de nature à accueillir de tels projets. Plusieurs typologiques de zones sont dégagées par la directive :

  • Les zones nécessaires pour les contributions nationales à la réalisation de l’objectif global de l’Union en matière d’énergie renouvelable à l’horizon 2030.

Un nouvel article 15 ter est inséré dans la directive de 2018, qui prévoit que : « Au plus tard le 21 mai 2025, les États membres procèdent à une cartographie coordonnée en vue du déploiement de l’énergie renouvelable sur leur territoire, afin de recenser le potentiel national et les zones terrestre, souterraine, maritime ou en eaux intérieures disponibles qui sont nécessaires pour l’établissement d’installations d’énergie renouvelable et leurs infrastructures connexes, telles que les installations de réseau et de stockage, y compris de stockage thermique, qui sont nécessaires pour atteindre au minimum leurs contributions nationales à l’objectif global de l’Union en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 ».
Les Etats doivent adopter une approche flexible, proactive et cohérente dans cette identification. Les doivent favoriser les utilisations multiples des zones visées, et les projets d’EnR doivent être compatibles avec les utilisations préexistantes de ces zones. Les Etats doivent par ailleurs prendre en compte la disponibilité des sources d’énergie renouvelables et le potentiel de production d’énergie renouvelable des différentes technologies dans les zones terrestres et maritimes, la demande d’énergie prévue, et la disponibilité d’infrastructures de réseau, d’installations de stockage et d’autres outils de flexibilité pertinents, ou les possibilités de construction de telles infrastructures de réseau et d’installations de stockage.

  • Les zones d’accélération des énergies renouvelables

La directive prévoit l’instauration de zones qualifiées de propices à l’installation de capacités de production d’énergies renouvelables 15. Ces zones doivent prendre en compte les objectifs de la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, et permettre tout au long de la procédure une articulation raisonnée avec les exigences de protection de la biodiversité. Ces zones doivent être identifiées en concertation avec le public et les pouvoirs publics locaux, afin de renforcer l’acceptabilité des projets sur le territoire. Le public doit nécessairement être associé pour l’élaboration des plans désignant les zones en question 16.

Ces zones peuvent être terrestres, aquatiques ou maritimes et ne doivent dès lors pas avoir « d’incidence importante » sur l’environnement. Cette notion d’« incidence importante » relève de l’appréciation souveraine et devra être appréhendée au cas par cas selon les projets en cause.
La priorité est donnée aux surfaces artificialisées, avec une exclusion des sites Natura 2000 et de toutes autres zones dédiées à la protection de la nature et de la biodiversité, ainsi que les couloirs migratoires

Enfin, des outils doivent être mis à disposition et mobilisés pour recenser les zones dans lesquelles les installations d’énergie renouvelable n’auraient pas d’incidence importante sur l’environnement.

Ces zones doivent ainsi prendre en compte les « spécificités et exigences du type ou des types de technologie » destinées à être accueillies sur ces zones. L’évidence et l’efficacité sont d’autant de principes qui gouvernent l’existence de ces zones. L’idée n’est plus d’accueillir quoi qu’il en soit (et en coûte) des énergies renouvelables sur son territoire, mais que ces installations permettent d’atteindre rapidement les objectifs climatiques européens.

L’association de la population est un levier nécessaire 17, notamment pour les projets éoliens en mer. Outre une observation des dispositions de la Convention d’Aarhus sur la démocratie environnementale 18, le partage de l’espace maritime doit impérativement être discuté avec l’ensemble des parties prenantes, et ne doit pas être imposé sans concertation au risque de froisser irrémédiablement l’acceptabilité des projets auprès des riverains côtiers. Toutefois, la participation du public ne semble qu’uniquement concerner les plans désignant les zones d’accélération des énergies renouvelables, de sorte que les deux autres catégories de zones prévues par les articles 15 ter et 15 sexies ne prévoient pas une telle association.

Il conviendra en tout état de cause de rappeler que le texte évoque dans son préambule, de manière critiquable, que « les projets en matière d’énergie renouvelable qui se conforment aux règles et mesures fixées dans les plans élaborés par les États membres devraient bénéficier d’une présomption d’absence d’incidence importante sur l’environnement. ». Cette présomption, reprise dans l’article 15 quater, est de nature à complexifier l’accès à la justice pour les victimes et associations environnementales, les accablant dans la charge probatoire.

  • Les zones destinées aux infrastructures de réseau et de stockage nécessaires à l’intégration de l’énergie renouvelable dans le système électrique

Concernant les infrastructures de réseau et de stockage nécessaires à l’intégration de l’énergie renouvelable dans le système électrique, l’article 15 sexies précise que les Etats peuvent (ce qui ne relèvent plus d’une obligation, mais d’un encouragement) adopter « un ou plusieurs plans pour désigner des zones d’infrastructure spécifiques destinées au développement de projets de réseau ou de stockage nécessaires à l’intégration de l’énergie renouvelable dans le système électrique lorsque ce développement ne devrait pas avoir d’incidence importante sur l’environnement ou lorsque cette incidence peut être dûment atténuée ou, si ce n’est pas possible, compensée. L’objectif de ces zones est d’appuyer et de compléter les zones d’accélération des énergies renouvelables ».

IV. Une simplification et accélération des procédures d’octroi de permis et de gestion des conflits

Dans l’optique de faciliter le développement des projets, la nouvelle directive introduit des articles 16 à 16 sexies, visant à simplifier et à réduire les délais d’instruction de permis, que ce soit pour les projets situés au sein, ou à l’extérieur des zones d’accélération des énergies renouvelables.

  • 1) La procédure d’octroi dans les zones d’accélération des énergies renouvelables

Les procédures d’octroi de permis ne devront pas dépasser un an pour les projets d’énergie renouvelable dans les zones d’accélération des énergies renouvelables, et deux ans pour les projets d’énergie renouvelable en mer. Dans des circonstances extraordinaires dûment justifiées, ce délai peut être prolongé de six mois au maximum.

  • 2) La procédure d’octroi en dehors des zones d’accélération des énergies renouvelables

Pour les zones situées en dehors des zones, les procédures d’octroi de permis ne devraient pas excéder deux ans, et trois ans pour les projets d’énergies renouvelables en mer. Dans des circonstances extraordinaires dûment justifiées, ce délai peut être prolongé de six mois au maximum.

Concernant le rééquipement des centrales électriques, la directive prévoit un délai maximal de six mois pour la procédure d’octroi de permis, y compris toutes les évaluations des incidences sur l’environnement applicables. Lorsque le rééquipement entraîne un accroissement de la capacité de la centrale électrique allant jusqu’à maximum 15 %, les permis relatifs au raccordement au réseau seront octroyés dans un délai de trois mois.

Enfin, pour les équipements d’énergie solaire, la directive prévoit que la procédure d’octroi de permis ne dépasserait pas trois mois. Dans certaines circonstances, les projets d’énergie solaire sur des structures artificielles existantes (telles que les toitures) seront exemptés de l’obligation de réaliser une évaluation spécifique des incidences sur l’environnement.

  • 3) L’institution d’un guichet unique pour accompagner les porteurs de projet

Les États doivent mettre en place un ou plusieurs points de contact, qui doivent guider et aider le pétitionnaire durant l’ensemble de la procédure administrative de demande et d’octroi de permis. Ce point de contact doit le guider dans la procédure de demande de permis administratif, y compris les étapes relatives à la protection de l’environnement, de manière transparente, jusqu’à la prise d’une ou de plusieurs décisions par les autorités compétentes à l’issue de la procédure d’octroi de permis, lui fournit toutes les informations nécessaires et, le cas échéant, associe d’autres autorités administratives.

Cet accompagnement permet au porteur de projet d’avoir une vision claire de la procédure et de l’ensemble des interlocuteurs.

Enfin et pour tout projet quelle que soit la zone, la dématérialisation (par voie numérique) va progressivement devenir la norme 19.

  • 4) Vers une accélération de la résolution des litiges

Pour pallier la longueur des procédures judiciaires, la directive prévoit une facilitation des procédures de règlement des litiges ayant trait aux procédures d’octroi de permis et de délivrance d’autorisations de construction et d’exploitation d’installations d’énergie renouvelable. Elle encourage à ce titre le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges.
Par ailleurs, la directive enjoint les Etats membres à veiller à ce que les recours administratifs et judiciaires liés au développement des projets d’énergie renouvelable soient réduits. Ce vœu a de quoi faire sourire les praticiens, qui n’ont pas attendu la présente directive pour dénoncer les longueurs étouffantes des procédures juridictionnelles…

V. Une simplification de la procédure d’évaluation environnementale

La directive entend également simplifier le processus d’évaluation des incidences potentielles sur l’environnement. Ainsi, lorsqu’une évaluation est requise, conformément aux exigences des directives Habitats 20 ou EIE 21, elle doit désormais être effectuée dans le cadre d’une procédure d’évaluation unique, combinant de ce fait toutes les évaluations pertinentes pour un projet d’énergie renouvelable donné.

La directive prévoit en outre une procédure d’avis préalable de la part de l’autorité compétente, qui concerne la portée et le niveau de détail des informations que le porteur de projet doit inclure dans le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dont le champ d’application n’est pas élargi par la suite.

En outre, la directive protège indéniablement les porteurs de projet en limitant les risques juridiques auxquels ils s’exposent. Il est indiqué que « Lorsqu’un projet d’énergie renouvelable comporte les mesures d’atténuation nécessaires, toute mise à mort ou perturbation des espèces protégées en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE et de l’article 5 de la directive 2009/147/CE 22 n’est pas considérée comme intentionnelle. »

Cette présomption se veut sécurisante pour les porteurs de projet afin d’éviter un quelconque contentieux portant la destruction d’espèces protégées. Toutefois, en droit français, cette précision semble pour le moment relativement sans incidence puisque selon la jurisprudence, une simple faute d’imprudence suffit à caractériser l’élément moral de l’infraction de destruction d’espèces animales protégées et de leurs habitats, réprimée par l’article L. 415-3 du code de l’environnement 23.

La directive prévoit également que « Lorsque de nouvelles mesures d’atténuation visant à prévenir autant que possible la mise à mort ou la perturbation d’espèces protégées en vertu des directives 92/43/CEE et 2009/147/CE, ou toute autre incidence sur l’environnement, n’ont pas été largement testées en ce qui concerne leur efficacité, les États membres peuvent autoriser leur utilisation pour un ou plusieurs projets pilotes pour une période limitée, à condition que l’efficacité de ces mesures d’atténuation soit étroitement contrôlée et que des mesures appropriées soient prises immédiatement si elles s’avèrent inefficaces

Le développement accru des énergies renouvelables met en évidence l’articulation peu aisée entre la protection de la biodiversité et la pression de réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre.


La directive prévoit d’autres thématiques intéressantes qui n’ont pas fait l’objet de développement dans le présent exposé, telles que l’introduction de la notion de « technologie innovante » ou encore la création d’un cadre juridique incitatif pour les carburants renouvelables 24.

Cette directive est particulièrement bienvenue pour répondre à l’urgence climatique actuelle. Il conviendra néanmoins pour les autorités nationales et locales de ne pas éclipser et sacrifier sur l’autel des énergies renouvelables l’autre défi majeur de notre ère : la protection de la biodiversité.